Sœur Catherine Fino est professeur au Théologicum et secrétaire du Département de morale à l’Institut Catholique de Paris. Née le 29 novembre 1958 à Saint-Maur des Fossés, en banlieue parisienne dans une famille anticléricale, elle s’est « convertie » à l’adolescence, et a fréquenté la JICF puis l’ACI pendant ses études, accompagnée par le Père salésien Gilles Pincé. Elle est entrée à « l’aspirandat » à la communauté de Paris-Providence en 1987, une fois soutenue sa thèse de médecine. Elle a fait profession dans notre Institut le 5 août 1990 et a été envoyée à Paris, Thonon-les-Bains, Marseille et Mitry. Catherine a ensuite repris des études en Théologie et a soutenu sa thèse de doctorat le 30 novembre 2007 qu’elle a ensuite publiée sous le titre : « L’hospitalité, figure sociale de la charité. Deux fondations hospitalière à Québec ». Il nous a semblé utile, dans un esprit de partage fraternel, de lui demander de préciser en quoi consiste exactement sa mission. Voici la réponse :
Pour découvrir l’ambiance d’une journée de théologienne à l’Institut catholique de Paris, le voyage aller se fait dans le métro et on atterrit un peu au-dessus du quartier de Saint-Germain des Prés.
Cours et séminaires…
La journée se partage entre plusieurs activités. Il y a d’abord les heures de cours ou de séminaires : la pédagogie est variée, de l’enseignement magistral mais aussi des exposés, des temps de débat animés par moi ou supervisés quand ce sont les étudiants qui les mènent, des discussions animées où il faut donner des clés de lecture, repérer quand l’un ou l’autre projette ses idées sur ce que dit l’auteur, expliquer où est le nœud du débat et veiller au respect et à l’écoute réciproque quand des désaccords éclatent.
Nos convictions sur des sujets d’éthique politique, familiale, bioéthique, sont souvent autant existentielles que pastorales, pour ces prêtres venus de divers pays d’Afrique ou d’Asie, mais aussi pour les séminaristes ou jeunes prêtres français et les quelques laïcs, souvent des femmes, parfois des séminaristes des Eglises d’Orient ou orthodoxes.
Chacun apporte avec soi son expérience, sa culture, ses difficultés à s’acclimater en France, parfois sa solitude ou à l’inverse trop de charges pastorales dans la paroisse ou la communauté qui l’accueille, une première formation théologique souvent différente. Les « français » intéressés par la « morale » ont une expérience professionnelle variée, dans le management ou l’ingénierie, l’armée, la médecine, le droit, etc., sans compter leur expérience familiale et ecclésiale.
Je retrouve des éducateurs et des animateurs en pastorale quand j’enseigne à l’Institut supérieur de pédagogie catéchétique, en ce moment un cours sur : « Ethique, éducation, famille », et le suivi de plusieurs mémoires.
Accompagnement des étudiants…
Le reste de la journée, je rejoins mon port d’attache à la faculté, le bureau de la secrétaire du Département de morale, pour le suivi pédagogique des étudiants et des programmes – une avalanche de mails -, les multiples rendez-vous de tutorat ou d’accompagnement des mémoires ou des thèses, et le versant administratif bien chronophage pour organiser tel colloque ou journée facultaire sur la Catho (quatre ou cinq projets en cours pour 2017-2018) et préparer les conférences ou formations en diocèse, voire quelques incursions au Lycée Don Bosco ou pour le personnel des communauté de sœurs aînées.
Autres réunions… dans d’autres lieux enrichissants.
Je rejoins aussi souvent l’une ou l’autre réunion : le comité de rédaction de la revue de la Catho (Transversalités) ou de la revue de notre association de moralistes, tel comité scientifique ou comité éthique : la Chaire Bien commun, avec les collègues des Bernardins, la Chaire Rodhain, avec le Secours catholique, le département de bioéthique du Centre Sèvres, le comité éthique de l’Association des frères de Saint-Jean de Dieu. Ce sont des lieux enrichissants pour les rencontres qu’on y fait, les échanges d’idées, auxquels s’ajoutent les moments où je peux me déplacer sur place pour une formation ou conférence (formation diocésaine, monastère, association, etc.). A tout cela se sont ajoutés les « cadeaux » et les dépaysements de la théologie : des colloques au Québec, et les deux beaux voyages au Vietnam en 2016 et à Kinshasa ce mois de janvier 2017.
Retour à la communauté !
Le soir, retour au logis, plus ou moins tôt, souvent vers 20H30. Une universitaire gère l’organisation de son temps de travail, ce qui veut dire que je cours pour essayer de répondre aux urgences au jour le jour, et que je tente de préserver une journée en communauté sur la semaine et le maximum de WE.
Une fois en communauté, c’est l’art de « préparer les valises » pour le reste de la semaine. Il faut rédiger les conférences et les cours nouveaux, préparer les programmes de lecture des séminaires, relire et compléter ce que l’on reprend d’une année sur l’autre : en morale familiale, bioéthique, éthique éducative, les choses évoluent très vite, les lois aussi, et les synodes se succèdent à Rome.
Il faut aussi assurer le temps de la recherche, où il y a toujours un article sur le feu, qui était à envoyer « pour avant-hier », et des projets à plus long cours.
Je me partage entre la thématique de ma thèse (la charité soignante et éducative), le volet de l’éthique catéchétique et éducative (mon « poumon » salésien), et depuis quelques temps la gestion des mutations anthropologiques contemporaines, du « gender » et autres théories de la déconstruction à l’impact du numérique et de la robotique, le prochain thème de notre groupe de recherche.
Réflexion théologique…et rédaction d’articles.
Je réfléchis en ce moment sur la manière dont la théologie peut accompagner la manière dont nos contemporains déplacent les normes et créent de nouvelles manières de vivre pour s’adapter à des situations inédites, sans renoncer à poser un jugement éthique. Il s’agit de plonger dans la culture « post-moderne » pour que les chrétiens de demain y vivent de manière positive et pas seulement en résistance !
La recherche universitaire se vit aujourd’hui au rythme des exigences de l’HCERES (Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), de la préparation d’une HDR (Habilitation à diriger des recherches dans l’Université publique), etc.
Il faut faire du nombre et de la qualité (publication dans des revues de haut niveau), de l’interdisciplinaire, répondre aux sollicitations du doyen ou du recteur (un recteur moraliste, ce n’est pas vraiment reposant), suggérer des pistes qui conviennent aux collègues pour le travail du département, et maintenir le cap de son propre axe de recherche ! Cela passe aussi par le soin de la convivialité entre collègues pour éviter qu’on nous mette en concurrence et discerner ensemble les réponses à donner.
La Catho est propice à une convivialité de type « resto » avec les uns et les autres, et à une convivialité « ecclésiale » lors des célébrations et rencontres facultaires, ou à l’occasion de tel ou tel colloque. Il y a aussi la solidarité dans l’adversité, lors de la maladie et du décès cet été de notre collègue ecclésiologue Laurent Villemin.
La théologie : une belle mission !
Voilà : la théologie est une belle mission ! On y trouve toutes les « couleurs » de l’Eglise, on essaye d’équiper au mieux des pasteurs et des acteurs ecclésiaux de toutes nationalités, on n’hésite pas à recourir à un zeste de pédagogie salésienne. Evidemment, il y a toujours un brin d’insécurité : la charge de travail, la parole risquée devant les collègues, les réductions budgétaires, les rivalités diverses…Mais ce partage des conditions de la vie professionnelle commune est aussi un gage de crédibilité, et nos fragilités nous stimulent à choisir de vivre selon l’Evangile : dépasser la concurrence pour privilégier la confiance mutuelle et l’entraide entre collègues ; partager nos intuitions et nos compétences ; soigner l’attention envers chacun et recevoir force et joie au fil des rencontres et des gestes fraternels. D’un côté, la foi, l’espérance et la charité quotidienne construisent la communauté universitaire et restaurent notre engagement au service de l’Eglise.
Comme salésienne, je suis attentive à vivre ce chemin quotidien de conversion en union avec les jeunes qui construisent leur avenir face aux défis du monde contemporain. De l’autre, il s’agit de s’abandonner assez pour « oublier tout » et se rendre disponible pour la lecture, l’écriture ou l’enseignement qui apportent beaucoup de découvertes et de rencontres. Avec Marie-Dominique et Don Bosco, soyons toujours joyeux : « La joie du Seigneur est notre rempart ».
Sr Catherine Fino – août 2017