Soeur Bernadette Masson : infatigable missionnaire…

Sœur Bernadette MASSON est actuellement à la Maison Provinciale de Paris Bernadette et Clémenceafin de se reposer après 23 ans de présence à Madagascar. De nombreuses volontaires la connaissent et déjà, quelques-unes sont venues lui rendre visite ! Nous lui avons demandé de parler de son parcours marqué par des responsabilités, des évènements bouleversants et des rencontres inoubliables.

L’enfance

Je suis née à Nîmes, au sud de la France, juste avant la déclaration de guerre de 1940. Très vite mon père fut enrôlé dans l’armée et devint prisonnier, il ne devait revenir que 6 ans plus tard. Ma grand-mère m’apprit, chaque soir, à prier Marie, pour ce papa que je ne connaissais pas.

Mon enfance fut donc marquée par ces évènements et ma vocation trouve là son origine. Toute petite je saisis dans les propos des adultes, qu’à chaque bombardement de nombreux enfants restent orphelins, et que d’autres, dont on parle à mots couverts, sont emportés loin des parents. Dans ma pensée d’enfant se forme l’idée qu’une fois grande j’accueillerai tous les orphelins dans une grande maison.

A son retour, mon père nous transmet sa grande confiance en Dieu ainsi que le respect des ennemis. La famille s’agrandit par l’arrivée de ma sœur et de mes deux frères. Pendant toutes les années qui viennent j’aiderai beaucoup mes parents dans le commerce qu’ils doivent remonter. Je vais dans une école catholique et après une visite de toute la classe de 7ème au Carmel, je comprends que c’est à Jésus que je donnerai toute ma vie. A partir de la seconde, j’irai au Lycée public à majorité protestante où il y a beaucoup de débats et où chacun peut rendre compte de sa foi.

Bousculée par le quotidien…

Après le bac, j’informe mes parents de ma décision d’être religieuse.  Ils exigent que j’attende la majorité. Donc je continue des études à Montpellier, travaille comme enseignante dans une école et suis catéchiste et animatrice d’enfants.  Temps de grand bouillonnement : à l’université la plupart des cours sont fondés sur la négation de Dieu, tandis que la paroisse universitaire très active nourrit notre enthousiasme : c’est à partir de là que de nombreux juifs ont été sauvés, c’est là que Simone Weil rencontra le Portrait Bernadette Massondominicain qui l’accompagna dans sa recherche de l’absolu de Dieu et du don de sa vie.  Là aussi, on manifeste contre la guerre d’Algérie et on lit les lettres de Charles de Foucauld, et c’est lui que je pense suivre.  En même temps un groupe surgit, animé par un Franciscain qui nous fait découvrir la Bible : parole de Dieu et parole d’hommes bousculés par le quotidien. Dans ma tête et ma vie, c’est le chaos ! Je tombe malade et dois me reposer, pas d’animation, de colo.  Désirant hâter la fin des études, j’obtiens l’autorisation d’anticiper un examen d’anglais et la Providence me conduit, à la Côte Saint André, où se trouve une jeune anglaise, ancienne élève des salésiennes, décidée à vivre comme elles.  

Don Bosco et les salésiennes !

C’est dans cette maison des FMA que je découvre à la fois Don Bosco et une communauté joyeuse, priante, donnée aux jeunes. Peu à peu avec l’accompagnement d’un salésien des premières générations, le Seigneur m’oriente vers Don Bosco.  Le postulat sera à la « Villa Pastré » à Marseille, pendant lequel je suis la formation théologique plutôt d’avant-garde des catéchistes professionnels, puis le noviciat en France et en Italie.

Ma première profession en 1965 est suivie de la demande missionnaire. C’est la fin du Concile Vatican II. On me fait continuer une formation à Turin mais je m’oppose à plusieurs enseignants qui semblent ignorer le Concile et je le dis tout haut. C’est un scandale ! Je dois mon salut à l’intelligence et à la compréhension de Mère Angela Vespa qui prend le temps et la liberté de construire, avec moi, un programme basé sur certains cours mais surtout sur Don Bosco et la pédagogie salésienne que je désire approfondir, tandis que le dimanche je participe à l’accueil des jeunes des quartiers populaires de Turin au Campo Laura Vicuna. Mère Angela me dit ensuite que pour le moment ma mission est en France et je suis envoyée à Pastré comme enseignante des jeunes professes et à l’inter – juniorat de Marseille et aussi assistante des internes.

Les années 70…

A partir de 1968, je serai directrice du collège et lycée Sévigné à Marseille. La révolution culturelle vient d’éclater ! Aussi la tâche de la communauté est-elle rude, mais elle peut compter sur la collaboration de laïcs habitués à porter des responsabilités dans l’esprit de Don Bosco. Ce fut une période, parfois difficile mais très belle de vie fraternelle et de proximité avec les jeunes.

En 1986, c’est la succession de Sœur Nadia comme provinciale de la Province du Sud « Notre Dame de Lourdes » qui m’attend. La tâche me paraît au-delà de mes possibilités mais à travers lumières et brouillard le Seigneur conduit la barque. Quelques rares vocations naissent, les activités de pastorale des jeunes se multiplient surtout à l’occasion du Centenaire de la mort de Don Bosco.

Dans le camp de réfugiés burundais…

A la fin de cette période comme le désir missionnaire me poursuit, je suis envoyée un an à Rome pour m’occuper de jeunes de Géorgie qui pensent à la vocation.  On me donne ensuite ma destination : Haiti mais la direction sera changée par le Rwanda, en période de guerre sourde qui prépare l’éclatement du génocide. Avec JeunesJe fais une brève expérience dans un camp de réfugiés burundais et je retourne à Kamony, juste avant l’éclatement du génocide.

Petite communauté de 4 sœurs de 4 nationalités diverses, nous vivons les expériences les plus fortes de notre vie, dans l’ouverture des portes de l’école, pendant la nuit, à ceux qui s’enfuient et le partage de nos peurs, de nos faiblesses, de la prière et de la confiance. Et nous sommes sûres qu’à l’instant de cette nuit où nous devions mourir, quand les militaires arrivèrent à notre porte, c’est Marie avec sa petite image collée au portail de bambou qui fit éclater, entre eux, une dispute et qui inspira au chef de les faire partir. Le surlendemain, nous réussissons à nous enfuir vers le Burundi, en camionnette avec d’autres sœurs, au milieu de tant de gens qui fuient eux aussi mais qui ne trouveront que la mort.

Et la mission sur l’île rouge !

Et puis, c’est Madagascar la grande île rouge au bout du monde. Une réalité tout autre. Là, contrairement à mes attentes, je devrai de nouveau être déléguée de la Provinciale de Conegliano puis Supérieure de la Visitatoria « Marie Source de vie », avec le souci primordial de travailler à la formation, à l’implantation du charisme, à la pastorale des jeunes, au développement des Centres professionnels, à la collaboration avec nos frères salésiens et les laïcs…

C’est aussi l’adaptation à des cultures diverses : d’origine africaine sur les Côtes Ouest et Nord, Indonésienne et malaisienne sur les hauts plateaux. Je serai ensuite maîtresse des novices avec un temps de formation à Jérusalem qui marquera ma vie et celle des novices d’un amour passionné pour la terre et la Parole de Jésus, jusqu’au départ, en 2009, des novices pour la Côte d’Ivoire pour des raisons de nombre réduit et le besoin de rencontre avec d’autres novices de cultures différentes.

Mon grand désir d’être proche des enfants les plus pauvres, d’entrer dans leur monde culturel, de leur annoncer la bonne nouvelle de Jésus, a dû passer par un tout autre chemin. C’est celui que le Père avait prévu, à travers tous les tâtonnements, les difficultés dues au choc des cultures des missionnaires de nationalités diverses et de la culture malgache. C’est toujours à continuer et à recommencer. 

Des sœurs malgaches toutes données aux pauvres

avec elèvesA la fin de ma vie, ma joie est de voir tant de jeunes pauvres qui arrivent dans nos centres, écoles, oratorio, foyers et soutiens scolaires afin de trouver quelqu’un qui les aime, les aide à prendre confiance en eux-mêmes et à bâtir leur avenir. C’est aussi de voir la générosité de plusieurs de nos sœurs malgaches convaincues de la valeur de l’éducation salésienne, toutes données au service des enfants des quartiers ou des campagnes les plus pauvres. C’est à elles de contribuer à l’enracinement et à l’engagement social de la foi chrétienne dans un pays où 92% de la population est en – dessous du seuil de pauvreté et de travailler avec les jeunes pour qu’ils deviennent participants actifs de leur développement et missionnaires des jeunes…

Depuis septembre 2019, Sr Bernadette a rejoint la communauté de Lille (France).

Sr Bernadette Masson  Paris – novembre 2017

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